Ouverture de la « Voie Joss », versant nord de la TOURNETTE, dans les Bornes, avec Raphaël Charmoz et Pierre Tardivel

 » Comme le dit le skieur annécien Sylvain Meyet:  » les Varo, c’est l’Himalaya à côté de la maison!  » L’ambiance sévère de ce cirque et ses pentes très raides sont des plus dépaysantes. Avec quatre lignes techniques dans le niveau 5 , les ripidistes annéciens sont gâtés, mais les conditions ne sont pas souvent réunies pour pleinement profiter des lieux « … Extrait Toponeige -Bornes-Bauges-Aravis au sujet du versant nord de la Tournette

 

 

11 avril 2004

Lorsqu’au petit matin, je prends le départ de l’itinéraire de ski de randonnée classique côté Belchamps (voie normale) pour monter en repérage à la Tournette, je n’imaginais pas que d’autres skieurs étaient sur le coup. 
Lesté avec quelques pitons et une corde pour réaliser les ancrages pour les rappels, je m’apprête à me rendre au col du Rocher des Tours pour réaliser cette descente qu’il n’est pas possible de réaliser en alpinisme à la montée pour un skieur (sauf au prix de quelques longueurs bien teigneuses en mixte alpin) …. 
Ce versant nord de la Tournette, je le connais bien, c’est mon ami ! Ou plutôt mon amie ? … J’ai déjà fait la diagonale rive gauche plusieurs fois, et grimpé en cascade de glace dans le cirque du Varo.
Froide et austère, c’est l’une des plus belle caractéristique géologique de la vallée de Thônes, au début du siècle un sentier parcourait la face jusqu’au col du Varo ( un sentier taillé dans des pentes à 45/50°) , les guides emmenaient depuis Annecy  les touristes contempler la vue depuis le fauteuil de la Tournette, une journée qui commençait par un trajet en Tramway jusqu’a Morette. Puis il fallait remonter la vallée de Montremont pour ensuite réaliser l’ascension de la Tournette par son versant le plus vertigineux ! La descente sur Talloires permettait de rejoindre Annecy en bateau le soir même. 
Il y en a des histoires et des anecdotes à raconter sur l’histoire de la Tournette qui n’a pas finit de fasciner plus d’un « Montagnard »….
Bref, me voilà donc au sommet de cet itinéraire, spatule dans le vide regardant la pente et l’entrée du couloir tel un chamois apeuré par ce qu’il voit sous ses pieds, une face bien raide, du gaz (du vide) et des pentes bien chargées par la neige fraîchement tombée la veille… est-ce le bon jour pour se lancer dans cette terrible face ? La Neige, est-elle suffisamment stable ? Après quelques tergiversations, je décide de renoncer, car tout cela ne me paraît pas bien sérieux au vu de l’épaisseur de neige fraîche, demain ça sera bon, laissons le soleil faire son travail en fin d’après-midi, il purgera les pentes. 
Je rejoins tranquillement des pentes plus skiantes et en profite pour retourner repérer la face depuis la vallée de Montremont.
De retour à la maison, le téléphone sonne en fin d’après-midi-midi : 

Seb :  » Salut, c’est Seb Collomb-Gros » 
Moi : Salut
Seb :  » T’es allé à la Tournette aujourd’hui. » 
Moi : » ouais  » 
Seb :  » on prévu d’y aller demain avec Tardivel, tu veux nous accompagner ?  » 
Moi : « Ah, bah, c’est génial, on va faire une collective du Club Alpin !  » ….

12 avril 2004

Le lendemain, nous voilà tous réunis sur le parking à nouveau pour notre expédition punitive à la Tournette ! L’objectif est clair : Skier la voie Joss en versant nord de la Tournette. Cette fois -ci on est accompagné du célèbre skieur de pente raide : Pierre Tardivel. Inutile de dire que le jeune homme de 23 ans que je suis est un peu impressionné de partir en montagne avec ce grand nom du ski ! Seb Collomb-Gros et Raphael Charmoz sont aussi de la partie, eux ça va, je les connais, mais ils sont aussi très forts. 
C’est déjà impressionnant de se lancer dans cette face dans laquelle on ignore tout des difficultés techniques, mais quand tu vois que l’élite du ski extrême est là pour en découdre, tu te demandes si tout tourne vraiment bien dans ta tête ! 
Nous voilà donc parti pour une agréable randonnée à ski de presque 3 h 30 , direction le fauteuil de la Tournette, Raphael Charmoz a oublié ses peaux de phoques, il monte tout à pied ! Un sacré gaillard celui- là, une caisse de mutant comme on dit.
Arrivée au sommet, je n’ai même pas le temps de sortir le sandwich que Pierre, Raph et Seb file vers le départ, ils ont peur que l’itinéraire chauffe avec les températures printanières… On passe sous le fauteuil pour rejoindre les rochers des Tours, une équipe de 3 anciens est posée sous une falaise avec leur bouteille de rouge et le saucisson, ils nous voient passer à fond et se demandent bien où on va de ce côté-là ! 
Le temps d’enfiler d’une veste, Pierre, Raph et Seb sont déjà parti dans le premier goulet, je pars tranquillement derrière eux après avoir contrôlé que tout mon matos était bien opérationnel… L’ambiance est vertigineuse, on attaque le premier goulet en glace à 50° piolet à la main, là, il ne faut pas tomber sinon, ce sont 600 m de vol ! Les premiers ont raboté la bonne neige, il ne reste que la goulette pour le dernier, la prochaine fois, je ne me ferai pas avoir.
Alors que je m’apprête à enfiler dans le second goulet, je crois Seb qui remonte ski sur le sac, il a trop mal a son genou qu’il a blessé lors d’une compétition de Freeride, c’est triste qu’il ne fasse pas la descente, mais c’est mieux de ne pas prendre de risque si on le sent pas, il me souhaite bonne chance d’un air un peu agacé.
Après une courte bataille sur la glace, je skie les pentes du haut suspendu en plein vide pour rejoindre Pierre et Raph qui sont déjà en train d’équiper le relais du premier rappel de 50 mètres, Pierre a carrément pris le tamponnoir avec les spits ! C’est long à mettre en œuvre, d’autant plus qu’un bloc se détache et lui passe entre les jambes.
Avec Raph, on déchausse nos skis pour mettre les crampons, le rappel s’annonce spectaculaire et pendulaire sur la petite corde dyneema de 6 mm…
Peu à peu, nous nous laissons glisser le long de la corde chacun  notre tour pour rejoindre la vire médiane sur laquelle nous rechaussons les skis pour rattraper un autre rappel afin de franchir une cascade de glace, l’ambiance est encore bien tendue, mais la neige poudreuse stable et de ne plus être au-dessus de cette falaise déversante permet de se détendre un peu.
Raph et Moi avions évoqué l’idée de sauter la barre qui fait environ 15 mètres à vue d’œil, mais la réception est très pentu, et exposé, nous laissons Pierre descendre en premier ; celui-ci nous informe que le saut est bien plus haut et que la neige n’est pas si bonne en réception, nous rengainons notre fougue, et nous prenons la corde pour rejoindre la dernière pente.
La neige est géniale, la descente est encore exposée, mais le plus dur est fait, le ski propice aux grands virages est ici, en quelques courbes nous rejoignons une traversée qui nous ramène dans le bas du couloir central du Col du Varo. Nous laissons exploser notre joie et la satisfaction d’avoir réussi cette superbe descente à ski qui est une première !
Pour ma part, je suis content d’avoir pu réaliser cette descente que je surveillais depuis quelques années, c’est un rêve qui se réalise, et c’est certainement l’une des plus belles descentes en Bornes-Aravis à mon sens. 
Nous avons une pensée émue pour Jean-Francois Josserand grand skieur extrême disparu accidentellement qui avait réalisé cette ascension avec Hervé Chappaz quelques années auparavant, il l’avait baptisé Thônes-Himalaya, car il partait en expédition, c’était donc leur préparation !  Nous la baptiserons cet itinéraire en versant nord de la Tournette:  » Voie Joss » de façon à ce que cette montagne qu’il affectionnait tant soit un peu une partie de lui-même.

D’autres sujets sur la Tournette:

Film de Ski : La diagonale rive gauche à ski -Versant Nord de la Tournette
La diagonale rive gauche en poudreuse- Versant Nord de la Tournette

Course d’arête estivale:
L’Arête Nord en course d’arête- Tournette Versant Ouest